Le tour des émotions en 24 heures

6h10

TON réveil sonne pour la quatrième fois, le mien est réglé sur 7h00. J’ai envie de te tuer, d’autant que je sens bien que, si moi j’ai mal dormi, si j’ai passé ma nuit à me réveiller au moindre bruit, toi tu dors très bien et tu es prête à repousser ton réveil encore trois ou quatre fois… la prochaine sonnerie va réveiller le petit et JE devrai me lever. Ce matin, je te déteste même si je t’aime.

6h20

Ça y est, le petit est réveillé. Il me sourit derrière sa sucette et je ne peux pas le détester, alors je me déteste moi, mes yeux qui me piquent, les cernes qui sont dessinées dessous et mon envie de me coucher par terre pour pleurer et dormir (enfin !).

6h45

 Tu me souris en partant : « Bonne journée, ma chérie, je t’aime. » Debout, dans la cuisine, encore en pyjama, les cheveux en bataille, le bib à chauffer dans les mains, un petit homme accroché à mes jambes, je te réponds : « Moi aussi », alors que je te déteste encore, toi et le reste du monde d’ailleurs.

7h45

J’ai laissé un peu de ma haine sous la douche, j’ai posé le petit à la crèche, rendu son sourire à son éducatrice, grimpé dans le bus et j’essaie de me dénouer les épaules et la nuque et d’oublier que je suis fatiguée. Mais je n’y parviens pas, d’autant que le téléphone du type à côté de moi se met à jouer une musique agressive et que son propriétaire commence une conversation des plus animées, dans une langue que je ne peux pas identifier. Et merde ! Je suis brusquement fatiguée et raciste, et je me déteste de ressentir ça. Je voudrais mon lit, mon duvet et du silence. J’en pleurerais si je n’étais pas assise dans un bus.

8h20

Je rentre dans le groupe avec dix minutes d’avance, c’est devenu rare depuis que je suis maman. Je souris à ma collègue, un pauvre sourire sans doute, un poil forcé. Pourtant je l’aime bien ma collègue, mais la fatigue vous met en désamour de tout et de tout le monde. Je prends les infos du matin sur la feuille de jour et mes yeux tombent sur une case vide d’habitude le mercredi : « Mélanie (dépannage). »

Je ne suis plus fatiguée, je suis épuisée d’avance ! Mélanie c’est des heures de conflit devant nous : un défi qui n’en finit pas, malgré tout ce que nous essayons vainement de mettre en place pour elle. Cette enfant met à mal toutes nos ressources, toutes nos convictions pédagogiques, toute notre patience. Le problème c’est que ce matin, je sens que ma patience et ma bienveillance sont restées au fond de mon lit, là où j’aurais mieux fait de rester moi aussi.

Je soupire, je remets mon sourire de circonstance (vu que c’est le seul qu’il me reste ce matin) et je rentre dans ma journée de travail. 

9h00

Jusque-là, tout va bien. Je déteste toujours tout le monde, mais je prends sur moi, « c’est le job ». Je dois admettre que les enfants m’aident ; sourires, câlins, conversation, et Ali qui se cale dans mes bras et s’endort presque (le veinard). Ils me rendent mon humanité et me rappellent pourquoi j’ai choisi ce métier ; même paisible, le quotidien n’est jamais répétitif. Toutes ces intelligences en éveil qui se manifestent, il faut une attention particulière pour les voir s’exprimer et cela continue de me fasciner malgré les années.

9h15

Ma collègue vient de partir en pause, je suis avec notre aide. Par la fenêtre qui donne sur le couloir, je vois arriver Mélanie et son papa. Je regarde ailleurs, j’essaie de retarder le moment où je vais devoir me lever pour les accueillir. Je me « rassemble » pour être professionnelle face à ce papa avec qui tout est un peu ambigu : son rapport à la crèche, son rapport à nous, notre rapport à lui.

9h17

Mélanie et son papa sont entrés. Je m’avance vers eux. Mélanie se colle à son papa et l’empêche d’avancer. A ce moment-là, étrangement, je n’ai plus ni fatigue, ni haine, ni ressenti négatif. Je suis dans l’instant présent, hyperdisponible, car la situation exige que je mobilise beaucoup d’énergie.

Nous nous saluons, la conversation est décousue ; le papa essaie d’avancer, repoussé par Mélanie qui s’accroche et rit des efforts du papa. Le papa me sourit, je ne sais pas qui il veut tenter de convaincre, lui ou moi, que tout va bien aller. Mais ça n’ira pas. Mélanie va s’accrocher, jusqu’à ce que papa se fâche et que je sois obligée de la tenir dans mes bras pour qu’il puisse partir. Elle va crier un moment et profitera de la première occasion pour « se venger » en détruisant le jeu d’un autre enfant. Nous échangeons les infos l’air de rien, mais nous savons tous les deux qu’il y a peu de chance que cela aille.

Je ne suis pas très à mon aise, lui ne me semble pas très bien non plus. J’ai l’impression de le maltraiter malgré moi. C’est aussi le sentiment que j’ai avec Mélanie. On a beau tout essayer depuis la rentrée, rien n’y fait. Tout est source de conflits. Elle mobilise un adulte à elle toute seule, c’est compliqué, usant, perturbant.

On est pris dans une succession de sentiments contradictoires entre inquiétude, agacement, colère, fatigue, tristesse, incompréhension. Et puis, soudain, tout cela nous submerge et on la déteste de nous faire cela. C’est fugace, interdit, indicible, impossible, ce n’est pas arrivé d’ailleurs, pourtant.

10h45

Je viens de hurler. Lorsque j’ai vu Mélanie tenant un marteau en bois au-dessus de la tête de Désirée, je n’ai pu que hurler. Là, tout de suite, je pourrais la secouer, la passer par la fenêtre, passer son père par la fenêtre, ou me passer par la fenêtre, je ne sais plus. Je la déteste et je me déteste. Mon aide s’approche : « Tu veux que je prenne le relais ? »

Oui ! Absolument ! Ce n’est pas seulement que je le veux, c’est qu’il le faut. En définitive, c’est notre outil le plus précieux avec Mélanie : le passage de relais pour rester dans l’action éducative, pédagogique et bienveillante. Je m’éloigne, je reprends mon souffle, mais je suis triste, déçue, j’ai échoué.

13h30

Je prends ma pause avec Sabrina du groupe des bébés. Elle et moi, on « débriefe » autour d’un café. Je lui parle de Mélanie et elle propose :

« On peut prêter Edi, si tu veux, pour changer ? Il a 10 mois, il pleure du matin au soir, quoi qu’on fasse. Il s’endort seulement dans la poussette et se réveille en hurlant chaque fois que tu arrêtes de le bercer. Il ne mange presque rien, fait pleurer tous les autres à force de hurler et vomit de temps en temps, de rage. »

Elle continue en me disant qu’heureusement, il ne vient que deux jours par semaine, même si, en même temps, c’est une partie du problème. Quelqu’un de la direction est passé ce matin et a demandé ce qu’il avait. La réponse n’est pas venue immédiatement, parce qu’il n’y a pas de réponse simple. Ce n’est pas juste qu’il ait faim, ou qu’il soit fatigué, ou qu’il s’ennuie, c’est tout cela à la fois et encore d’autres choses.

Je repense aux propos de mon ami Jacques : « Les bébés sont des êtres hyper-compétents, contrairement à ce qu’on dit la plupart du temps. Il n’y a qu’à voir comment un bébé peut bousiller la vie d’un groupe en crèche pour s’en apercevoir. »

Nous discutons un moment des effets des pleurs de bébé sur les adultes ; des enfants secoués qui défraient régulièrement la chronique. Ni l’une ni l’autre n’excusons le geste, mais nous mesurons la solitude de certains parents face à un enfant qui pleure sans cesse, la finesse et la fragilité de la frontière entre l’amour et la haine. Je me souviens d’un ami, dont la fille avait un pleur particulièrement strident, qui disait : « Je n’ai jamais porté la main sur elle, mais aujourd’hui je peux comprendre pourquoi certains en arrivent là. »

Et moi, un jour comme aujourd’hui, je mesure combien la fatigue nous rend vulnérables, faillibles, professionnellement et humainement.

14h00 

Sabrina est repartie, je suis toute seule avec un exemplaire du 20 minutes laissé par une autre collègue. Je ne le lis plus en général, sauf sur la tablette à la maison et je le regrette à chaque fois. Autant de mauvaises nouvelles avec aussi peu d’informations pertinentes me dépriment totalement.

Je jette quand même un œil… Alep, sa guerre et ses enfants. Cela me touchait déjà avant, mais depuis que je suis maman, ça me retourne le cœur. Ils m’ont empêchée de dormir la nuit dernière, même si je sais que mes insomnies ne leur servent à rien.

Un peu plus bas sur la page, Trump et ses tweets. Je repense au fait que cet homme a été élu par des émotions : peur, colère et « ras-le-bol ». Un article « post Brexit et Trump », que j’ai lu je ne sais plus où, donnait une vision que je trouvais cohérente : il n’y a dans ces votes aucune véritable idéologie ou politique, tout repose sur une lecture émotionnelle de certains faits. Dans le fond, ce sont des votes de désespoir, on ne vote pas pour Trump, on vote contre Clinton. On ne vote pas pour le Brexit, mais contre l’Europe ; ou pire, contre l’immigration que l’on croit due à l’Europe.

Le plus inquiétant c’est que ce type de résultat ou de victoire donne légitimité à l’expression de haines jusque-là contenues ; ainsi les agressions racistes ont augmenté en Grande-Bretagne depuis le Brexit.

Ce n’est pas très différent en éducation. Un de mes proches me questionnait il y a peu sur le travail en crèche, sur les normes d’encadrement, un peu dérangé par ce qu’il voyait en allant chercher son enfant. Des adultes, pire, des professionnel×le×s hurlant régulièrement sur des enfants ; les attrapant violemment par les bras. Au fil de notre discussion, j’apprends qu’il y a de nombreuses démissions dans cette institution et que le personnel s’ouvre aux parents sur le sentiment de faire du gardiennage, du travail à la chaîne.

Je n’excuse rien, mais j’explique que les conditions de travail ne sont pas étrangères au glissement des pratiques éducatives vers des comportements violents. Pour faire de l’éducation bienveillante, il faut des moyens, des conditions et un cadre qui le permettent. En l’absence de ces éléments, il n’est pas surprenant que l’épuisement gagne les professionnelles. Celles qui tiennent encore la route et se refusent à faire du « mauvais » travail s’en vont, restent les autres qui ont alors tout loisir de se laisser aller à croire que l’autoritarisme est justifié et efficace.

Du coup, je m’interroge encore sur les émotions que Mélanie ou Edi réveillent en nous : colère, impuissance, haine, peur, tristesse. Est-ce que j’ai appris à travailler avec mes émotions ? Et si oui, quand ? En formation, sur le terrain, avec le temps ? Un peu de tout probablement. C’est quoi maîtriser ses émotions ? Ne pas les ressentir, ne pas les montrer ou, inversement, savoir les vivre ? Oui, mais alors comment ?!

Là non plus, pas de réponse immédiate, et pas de Sabrina pour « débriefer ».

14h30 

Mon Dieu ce que j’ai envie de dormir ! Au lieu de cela, je retourne travailler.

Quand j’arrive dans la salle de vie, Mélanie est dans un jeu de construction. Très rapidement, elle me demande de l’aide. Je suis contente d’avoir une occasion de partager un moment d’élaboration avec elle. Des enfants passent vers moi pour se faire aider pour s’habiller. J’essaie de me rendre disponible pour elle et eux. Ça passe une fois, deux et, à la troisième, Mélanie s’énerve sur deux pièces qu’elle ne parvient pas à mettre ensemble et c’est Mohamed qui en fait les frais en venant me demander de remettre son pull à l’endroit. 

Je choisis d’accueillir d’abord le chagrin de Mohamed, même si je sais que je vais sûrement perdre Mélanie. Ça ne loupe pas, elle envoie voler le jeu de construction et nous sommes reparties toutes les deux pour une gestion de crise d’une demi-heure.

16h45

Je quitte la salle, vidée. Mélanie est sur une chaise à un mètre de la table, les bras croisés, boudeuse. Elle a refusé le goûter, maintenant qu’il est terminé, elle le veut. Je passe le relais, ma journée est finie, je ne pars pourtant pas le cœur léger. J’ai confiance en mes collègues, elles vont « gérer » comme on dit entre nous, pourtant je ne suis pas intacte et libre. Mélanie m’habite encore.

20h30

« Dure journée ? » me demandes-tu. Ouais, dure et fatigante. Je te raconte un bout, je te parle de mon sentiment d’échec avec Mélanie. Tu m’embrasses le front : « Tu es une super éduc, te laisse pas impressionner, tu vas y arriver. Et sinon, ça sera pas de ta faute. »

Je me colle contre ton épaule. Je déteste tout le monde sauf notre fils et toi.

3h00

Je me retourne dans mon lit au beau milieu d’un rêve ; je cherche Mélanie et Edi dans les ruines d’Alep… J’ai terriblement sommeil, mais je ne peux pas les abandonner.

J’ai choisi de jeter sur le papier le récit fantaisiste d’une sale journée comme on en connaît toutes, parce que c’était une manière plus libre de traiter des émotions. En y réfléchissant, je réalise qu’il y a quelque chose de paradoxal dans la façon dont nous les traitons dans notre profession.

Il s’est construit tout un discours pédagogique sur les émotions des enfants ; la manière dont nous devons nous montrer empathiques, les respecter, les accueillir, les verbaliser et apprendre à l’enfant à les « gérer » ou au moins à les exprimer. Dans la pratique, cela se matérialise souvent par des activités de verbalisation à grand renfort d’émoticônes, qui je dois le reconnaître, me laissent sceptique.

D’autant que, et c’est là le paradoxe, nous avons bien de la peine, en tant que professionnelles, à faire une juste place à nos émotions, à leur verbalisation et nous nous retrouvons à les matérialiser nous aussi par de petites émoticônes sur nos Smartphones. Il semble que nous illustrons très bien l’adage qui dit que l’on enseigne le mieux ce que l’on a le plus besoin d’apprendre (Richard Bach).

John Caldwell Holt[1], fervent défenseur des apprentissages autonomes et grand critique de l’école, soulevait la difficulté que les professionnels ont à être authentiques dans leurs relations aux enfants. Il illustrait cette difficulté en donnant l’exemple de deux petites filles venues lui présenter en riant un dessin d’un bonhomme en train de déféquer. Face à ce dessin, il ne s’était pas autorisé à montrer ses propres émotions, en premier lieu la surprise et la curiosité. Il s’est inquiété de ce que pourraient dire d’autres professeurs ou les parents si ce dessin sortait de la classe et conseilla aux enfants de ne montrer ce dessin à personne d’autre. Il aurait aimé leur avoir demandé pourquoi elles lui montraient ce dessin et accéder ainsi à ce qui se passait pour ces enfants dans cette situation ; l’envie de faire réagir l’enseignant, de comprendre un phénomène, etc.

C’est toute la difficulté de l’espace émotionnel et relationnel professionnel. Pour pouvoir manifester de l’empathie, nous devons garder un accès à nos propres émotions et ne pas seulement répondre selon ce que la norme nous dicte. Ce qui sous-entend de s’impliquer et donc de souffrir.

Il y a une part de souffrance intrinsèque au travail lié à la confrontation au réel. Le travail est fait d’une part incontournable de résistance et d’échec (comme l’a montré Christophe Dejours pour ne citer que lui), dans les bonnes comme dans les mauvaises journées. Le fait est que, malgré tout, nous retournons au travail le lendemain, souvent avec une volonté renouvelée d’essayer encore, de ne pas rester sur un échec et, si la nuit a été bonne, avec une vision du monde et de nos compétences elle aussi renouvelée.

Le fait est, également, que nous sommes affecté×e×s dans et par le travail. Même quand tout va bien, quand on nage en plein amour par exemple, nous emportons cette émotion sur le terrain. Nous avons appris que nous devions laisser une part de nous au vestiaire, nos soucis, notre vie privée. Comme si nous pouvions arriver le matin et changer de peau, comme on enlève un costume pour en mettre un autre. Dans les faits, cette transition, qui existe bien, est néanmoins perméable et plus ou moins réussie en fonction des jours et des personnes.

De même, nous rentrons le soir en emportant une part plus ou moins importante de nos souffrances liées au travail. Si l’institution et/ou l’équipe dysfonctionnelle, si l’implication devient difficile ou impossible parce que les conditions de travail sont trop dures (conflit éthique, manque de personnel, maltraitance, management agressif, etc.), elles vont même envahir la vie privée avec les incontournables burn-out qui fleurissent aujourd’hui dans tous les domaines professionnels.

En tant que professionnel×le×s, nous devons faire un choix. Devant notre vestiaire le soir comme le matin, nous faisons inconsciemment le choix de notre implication. Nous enfilons un costume plus ou moins à notre mesure, plus ou moins perméable. Si nous choisissons un costume qui nous épargne trop d’implication, cela se traduit dans la pratique quotidienne par une indifférence à l’autre. Ainsi, au moment où l’émotion de l’enfant met le professionnel face à ses limites, le confronte à son impuissance, à une situation dont il n’est pas sûr de garder la maîtrise, il réagit soit en se conformant à une réponse normée, soit par l’indifférence, soit encore, par l’autoritarisme.

Par exemple face à un enfant qui ne mange pas, sujet hautement affectif, nous sommes en échec et confronté×e×s au regard du parent, de nos collègues. La question va donc être de savoir si nous nous réfugions derrière une réponse normée ou/et autoritaire comme de punir l’enfant, le forcer à manger, ou si nous pouvons accepter notre impuissance et tenter de comprendre ce qui se joue pour l’enfant. Ce qui implique de commencer par comprendre ce qui se passe pour nous. Une fois que nous acceptons nos limites et celles de nos principes pédagogiques face à cette situation nous pouvons imaginer une réponse différente.

L’équipe est un atout lorsqu’elle fonctionne bien. Si nos collègues sont prêtes à accueillir l’expression de nos émotions face à l’enfant ou la situation, nous pouvons réguler ensemble. Nous pouvons jauger la perméabilité du costume et établir ce qui relève de nos propres émotions et ce qui appartient à l’enfant ou à la situation. C’est ce qui se passe souvent dans les salles de pause ou les coins fumeurs, les espaces informels où la confrontation des récits professionnels permet de construire une confiance en sa propre pratique. C’est aussi ce qui se passe lorsqu’une équipe discute d’une situation et des limites des concepts pédagogiques pour entrer dans la transaction sociale.

Les premières formations de nurses et de jardinières d’enfants étaient composées majoritairement de savoirs directement applicables, ce qui impliquait une liste d’attitudes normées, de réponses définies aux différents comportements naturalisés des enfants. Une bonne part de la réponse ne dépendait pas de la professionnelle, mais de sa soumission à un ordre établi. Les formations et la profession ont évolué et, aujourd’hui, la formation est pensée pour donner aux professionnelles les outils pour construire et élaborer des réponses différenciées à des situations pédagogiques, éducatives et sociales complexes et évolutives. Nous n’échappons pas complètement à la soumission à l’ordre établi ; la norme est un refuge confortable et il est difficile de lui échapper. Néanmoins nous sommes mieux outillé×e×s pour discuter la norme, le concept, le principe, nous disposons d’un espace critique plus grand, à nous de le mobiliser.

La hiérarchie élargie (direction, comité, politique, organe de pilotage, etc.) joue donc un rôle non négligeable dans la possibilité et l’espace qui sont laissés aux professionnelles pour élaborer des réponses. Elle est, tout comme les professionnel×le×s, un facteur de la professionnalisation, si elle contribue à impliquer les équipes dans l’élaboration et la diffusion des savoirs issus de la pratique.

Je ne suis pas sûre que le costume était plus facile à enfiler à l’époque, mais il était probablement plus strict (aux sens propre et figuré). Après tout, la coiffe amidonnée des nurses se nommait bien la vocation, ce qui illustre le poids de l’implication attendue.

Cécile Borel

[1] Holt, John (2012), Apprendre sans école, des ressources pour agir et s’instruire, Ed. L’instant présent.

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